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[Chrönique] Ison – Andromeda Skyline – EP – 2018
Shoegaze / Drone
Suède
CD / Numérique
Nous en savons peu sur la genèse du duo ISON. Deux musiciens suédois qui se rencontrent lors d’une nuit glaciale, puisant leur inspiration dans « le vaste néant infini »… Ce mystérieux duo, composé de la chanteuse et guitariste Heike Langhans (Draconian, LOR3L3I) et du chanteur multi-instrumentiste Daniel Änghede (Crippled Black Phoenix, Hearts of Black Science) n’a pas réellement besoin de décrire son œuvre, et ceux qui comme moi l’ont écoutée avant de se renseigner sur ces artistes s’attendent certainement à des informations évasives, à l’image de leur musique.
Le premier EP d’ISON, Cosmic Drone, paru en 2015 et qui a depuis voyagé de satellite en satellite de manière assez confidentielle, offrait déjà une musique glaciale et vaste. 36 minutes d’un voyage soigneusement préparé, avec son introduction et son climax, narré principalement par les paroles et la voix étonnante de Heike. Mêlant des inspirations allant du drone au shoegaze, cet EP jouait sur les contrastes et les nuances, combinant une certaine lourdeur à la fragilité intrinsèque du projet. Car la musique d’ISON se joue loin de nous, quelque part dans l’immensité de l’espace, subissant ses caprices et son hostilité. Si le duo chante ses rêves (ou peut-être ses cauchemars), il le fait avec une certaine rigueur et on ne tombe pas dans la mauvaise blague façon Seul sur Mars.
Etant donné la perle qu’était devenu Cosmic Drone au fil du temps, j’attendais Andromeda Skyline avec une impatience telle qu’il ne pouvait que souffrir de la comparaison. C’est presque avec crainte que je l’ai écouté la première fois, la crainte que le rêve dans lequel ISON me transportait s’achève là. Le premier morceau m’avait semblé trop beau mais trop court, et les suivants me semblaient tous manquer de quelque chose. Un quelque chose qui n’était rien d’autre que l’envie que le groupe reproduise ce qu’il avait déjà fait.
C’est après quelques semaines que je l’ai réécouté avec une oreille plus détachée. Andromeda Skyline n’a pas une trame narrative aussi évidente que Cosmic Drone mais il le poursuit avec la même beauté, la même maîtrise. Le son est toujours aussi froid, ses formes sont toujours indéfinies, mais il évolue vers une certaine légèreté. Plus shoegaze que doom, la tension n’est plus marquée par la batterie ou la hauteur des voix mais par la seule vibration des guitares. Le quatrième morceau, Nebula, est sans doute le plus typique du shoegaze, le côté pop post-apocalyptique en plus. La voix de Heike Langhans, toujours aussi belle, s’inscrit davantage dans les codes du genre sans y perdre son timbre et son originalité.
Vient Andromeda Skyline, une oraison de 13 minutes qui clôture cet EP avec tout ce qu’il contient de plus beau, consolidant les esquisses de l’identité sonore du duo. Les contrastes de Cosmic Drone sont tous présents, sublimés. Une basse écrasante et métallique, des ébauches de guitares et cette voix indescriptible à mes yeux, qui se retourne sur tout ce qu’elle a laissé derrière elle, offrant une nouvelle lecture à ce qu’elle a chanté jusqu’ici.
« We know it’s too late for a world we left for dead / It’s never too late to find our way again ».
ISON : Facebook
O.M.
Nouvel album pour Age Eternal (experimental shoegaze – Allemagne).
[Chrönique] Slowdive – Slowdive – album – 2017
Dead Oceans
Shoegaze/indie rock
Grande-Bretagne
CD/vinyle/cassette/numérique
Après avoir choisi comme nom de groupe le titre d’un single de Siouxsie and the Banshees, Slowdive prit sa forme initiale à la fin des années 80. Les amis d’enfance Rachel Goswell et Neil Halstead furent rejoints par le batteur Adrian Sell, le bassiste Nick Chaplin et le guitariste Christian Savill, répondant à leur annonce (qui indiquait le souhait d’avoir une deuxième femme au sein du groupe) en disant qu’il pouvait porter une robe. Influencé par Cocteau Twins et My Bloody Valentine, le premier album du groupe, Just For A Day, mélangeait les effets emblématiques du shoegaze à des voix éthérées, le rock à la pop, la vitesse à la mélancolie.
Toutes ces contradictions se sont incarnées à nouveau dans Souvlaki, leur album le plus connu. Percée d’air frais dans le milieu du shoegaze, cet album est un pilier de ce genre musical, aussi bien par la variété de ses mélodies que par la mesure parfaite des éléments qui le composent. Alternant entre l’énergie d’Alison ou Souvlaki Space Station et la complainte de Sing ou Dagger, entre des ambiances aquatiques et aériennes, entre des nappes de guitares et l’instrumentalisation électronique de Brian Eno, Souvlaki est l’un des albums les plus riches de son genre. Si riche qu’il a élargi son champ des possibles à un point difficilement concevable, mais bien réel quand on voit le nombre de groupes qui sont passés par les portes que Slowdive a ouvertes.
[Chrönique] Have a Nice Life – The Unnatural World – album – 2014
The Flenser
Shoegaze/doom/post-punk
États-Unis
CD/vinyle/numérique
Depuis 2008, Have a Nice Life a fédéré de nombreux mélomanes, mélangeant et s’appropriant post-punk, doom et shoegaze pour en extraire un son et un univers unique. Les bases de cet univers ont été posées brutalement avec Deathconsciousness, le premier album du duo. Un album qui contient une histoire dense et tragique au travers de laquelle se glissent des douleurs très personnelles, une constante dans les paroles de Dan Barrett. Après avoir tué Dieu et remplacé son cœur par des pièces de métal, le musicien a incarné le supplicié Giles Corey dans un projet solo qui porte son nom. Si les sonorités de Giles Corey sont relativement éloignées de celles de Have a Nice Life, les thèmes abordés dans cet album s’inscrivent directement dans la lignée de Deathconsciousness. Sorti en 2011, il construit un pont entre les deux albums du duo.
Avant même de l’écouter, The Unnatural World indique sa filiation avec l’album Giles Corey grâce à l’image de couverture, une image tirée du film polonais Mère Jeanne des anges dont l’héroïne est possédée par une dizaine de démons.
Image tirée du film Mère Jeanne des anges, réalisé par Jerzy Kawalerowicz, 1961